Méthodologie de recueil des données

1        Méthodologie de recueil et exploitation des données

Les interactions des participants ne constituant pas de simples face-à-face physiques et notre étude se voulant multimodale, il nous a été nécessaire de mettre en place un dispositif d’enregistrement permettant de capturer des données vidéo sur et hors écran.

1.1       Le dispositif de captation des données

Au cours de cette participation observante, nous avons cherché à recueillir l’ensemble des données interactionnelles entre les étudiants de Lyon présents à l’ENS et leurs interlocuteurs de Berkeley. Le nombre de participants s’élève à huit à Lyon et seize à Berkeley, seuls quatre des huit Lyonnais participent à l’échange au sein des locaux de l’ENS[1]. Nos enregistrements concernent donc les productions verbales de ces quatre lyonnais avec leurs trinômes. Il nous a été possible de recueillir :


  • Les présentations et échanges sur le forum Bspace par capture d’écran a posteriori
  • Les conversations sur le tchat Bspace par capture dynamique d’écran et caméra externe dans la salle de classe de l’ENS en simultané et en archive écrite numérique sur la plateforme.
  • Les six séances d’une heure d’interaction chacune en visio via le logiciel Skype par enregistrement dynamique d’écran (ENS et Berkeley) et caméra externe sur chaque participant présent à l’ENS de Lyon.

 

Les captures dynamiques d’écran ont été réalisées au moyen du logiciel QuickTime Player, cette fonctionnalité n’étant disponible que sur iOS (système d’exploitation Apple), nous avons équipé les participants de MacBook. Cette précision s’avère importante dans la mesure où tous n’étaient pas familiers des interfaces Apple et nous verrons que cela aura un effet sur l’organisation séquentielle des interactions. Notre dispositif de captation des interactions numériques peut être schématisé comme suit :

Dispositif_captation Dispositif de captation des interactions numériques

En parallèle de ces interactions, nous avons recueilli les « discours sur » (Matthey, 2000 : 23) les interactions en ligne de la part des étudiants de l’ENS :


  • Récolte des journaux de bord tenus par les participants de Lyon et de Berkeley à la demande de leurs enseignants (après récupération et évaluation par ces-derniers).
  • Enregistrement audio d’entretiens individuels semi-directifs pré-interactions (avant les présentations sur Forum) et post-interactions (après la dernière interaction en visio) des participants de Lyon.

 

Cet inventaire des données révèle un déséquilibre entre la captation de données de Lyon et celle de Berkeley. Celui-ci se justifie par l’éloignement géographique nous empêchant d’être présente sur les deux lieux d’interaction afin de filmer. Un corpus plus complet aurait certainement enrichi et facilité notre analyse des données. Toutefois ce corpus représente selon nous déjà une évolution appréciable dans le cadre de la recherche sur les interactions numériques. La coopération de nos homologues outre-Atlantique dans la capture d’écran, nous permet aujourd’hui d’avoir des vidéos multidimensionnelles intégrant les vues d’écran de part et d’autre de l’interaction.

1.2       Le dispositif d’exploitation des données

Notre dispositif de captation couplé aux captures réalisées à Berkeley nous a permis de disposer de plus de vingt heures[2] d’enregistrement d’interaction vidéo sous trois formats – écrans de Berkeley, écrans de Lyon, caméras externes de Lyon. Notre volonté a donc été de réunir ces vues en une seule afin d’appréhender les modalités de l’intersubjectivité en interaction numérique sous ses divers angles – tant celui du locuteur que celui de l’interlocuteur et incluant aussi bien le plan physique que numérique.

La difficulté de cette entreprise réside dans la diversité des sources vidéos et donc de leurs propriétés techniques divergentes. Si bien qu’il a été nécessaire d’aligner ces propriétés (notamment le nombre d’images par seconde différent entre une caméra externe et une capture d’écran) induisant une légère perte en qualité d’image. Une autre difficulté tient à l’instabilité des connexions Skype. Les quelques décalage image-son qui peuvent en découler rendent complexe la synchronisation des trois vues. Il nous alors été nécessaire de réajuster manuellement son et image tout au long des séquences montées. Le montage vidéo a été réalisé au moyen du logiciel Final Cut Pro X sous iOS sur IMac en Haute Définition.

Une fois les séquences numérisés, montées, synchronisées, il nous est apparu qu’une transcription verbale papier des interactions nous ferait perdre un trop grand nombre de détails multimodaux indispensables à la compréhension de la co-construction verbale, technique et corporelle de l’interaction, et difficilement reproductibles par une description écrite. Nous avons donc fait le choix d’inscrire les transcriptions verbales au sein des vidéos, les synchronisant à la parole des locuteurs. Il nous semblait alors clair que l’ensemble de notre analyse des interactions en visio s’articulerait autour de ces vidéos, c’est pourquoi nous avons choisi de les enrichir de méta-commentaires verbaux ou iconiques mettant en exergue les éléments interactionnels analysés. Ces méta-commentaires ainsi que l’anonymisation des données par floutage et insertion de bip sonore ont également été réalisés au sein du logiciel Final Cut Pro X – nécessitant pour certaines fonctions non natives du logiciel l’ajout de « plug-in » (module d’extension).

1.3       La sélection des données

Nous avons nécessairement effectué ces opérations uniquement sur une partie de l’ensemble du corpus et non sur les vingt heures d’enregistrement. Un choix a dû être opéré dans la sélection des données. Souhaitant étudier la rencontre depuis la présentation de soi sur forum à la dernière interaction par visio, nous ne pouvions analyser les quatre trinômes. Nous avons rapidement écarté l’un des trinômes de notre analyse dans la mesure où il présentait une configuration particulière : trois étudiants issus de Berkeley, la participante à l’ENS étant californienne et présente à l’ENS dans le cadre de ses études pour une année. Nous avons donc débuté notre recherche à partir des données de trois trinômes, suite à l’analyse des deux premiers, il est apparu que l’étude d’un troisième trinôme serait redondante. Aussi l’avons-nous finalement écarté de notre champ d’étude, privilégiant une analyse interdisciplinaire et multimodale de la rencontre de deux trinômes. La première rencontre constitue alors une phase exploratoire au cours de laquelle nous recourons aux théories existantes dans le champ de l’analyse des interaction et de la phénoménologie afin d’en circonscrire l’intérêt et les limites dans l’analyse d’interaction par écran. De cette analyse résultent de nouveaux apports théoriques. La seconde rencontre relève alors d’une phase applicative au cours de laquelle nous soumettons nos propositions théoriques à l’épreuve de ces nouvelles données empiriques afin d’en évaluer la pertinence.

Par ailleurs, portant notre intérêt sur la relation interindividuelle et non les activités didactiques, nous n’avons pas conservé dans notre analyse le corps des interactions vidéos consacrés à la didactique. Notre analyse porte donc sur les présentations par forum et les réponses à ces présentations (uniquement celles des participants qui poursuivront la rencontre ensemble), puis les ouvertures et clôtures d’interactions par tchat et visio. Concernant les interactions par Skype, afin d’éviter longueurs et redondances dans l’analyse, il était exclu d’étudier les six séances de chaque trinôme. Aussi avons-nous borné notre étude à la première et la sixième séance par Skype, nous permettant d’appréhender l’évolution entre la première apparition vidéo synchrone des participants et leur ultime interaction.

En ce qui concerne les « discours sur » (Matthey, 2000 : 23) les interactions, notre recherche ayant évolué en même temps qu’elle se construisait, nous avons remis en cause la pertinence des contenus des entretiens. Ne souhaitant pas réaliser une sélection aléatoire dans ces « discours sur » les interactions, il nous a semblé plus approprié de délimiter notre corpus d’étude aux interactions entre les participants.


[1] Les quatre autres participants ne suivent pas le cours de didactique mais se sont porté volontaires pour agrandir le groupe d’interactants lyonnais.

[2] Quatre trinômes et six séances d’une heure par trinôme.


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